La 'S' Grand Atelier

Centre d'Art Brut
& Contemporain

The Choolers Place des Chasseurs Ardennais, 31
B-6690 Vielsalm

Tél +32 (0)80 28 11 51
 LaSGrandAtelier

Grand Slam Champion

ESSAI D'INTELLIGENCE COLLECTIVE #1.

9-10 novembre 2011

La «S» Grand Atelier est un laboratoire artistique, situé à  Vielsalm au coeur des Ardennes belges, qui propose une série d'ateliers de création (arts plastiques et de la scène) pour des artistes handicapés mentaux. Ces artistes ne sont pas malades - juste mentalement déficients -, ils pratiquent un art journalier, abouti et souvent depuis de nombreuses années. Ils s'appellent Rémy Pierlot (peintre), Adolpho Avril (graveur), Christine Remacle (peintre), Eric Derkenne (dessinateur), Léon Louis (peintre), Nicole Claude (dessinatrice), Dominique Théate (dessinateur et illustrateur), Joseph Lambert (sculpteur et créateur de mobilier), Richard Bawin (chanteur, collagiste, graveur et dessinateur), nous ne pourrions tous les citer. Ils travaillent chaque jour dans des ateliers qui sont encadrés par des professionnels de l'art, des artistes catalyseurs (Florence Monfort, Luc Bienfait, Antoine Boulangé, Patrick Perin et Fabian Dores Pais) qui diffusent leurs oeuvres produites dans tous les milieux culturels - et non exclusivement ceux liés au handicap mental. Car La «S» Grand Atelier n'est pas fermé sur lui-même et organise régulièrement des résidences pendant lesquelles artistes handicapés - appelons-les outsiders - et non handicapés - appelons-les contemporains - se rencontrent pour créer des oeuvres communes. Allant à  l'encontre d'un certain art outsider qui ferme les portes à  toute «contamination» extérieure - nous ne sommes pas ici dans un énième et obsolète cénacle de l'Art Brut* -, La «S», au contraire, provoque des rencontres qui ont pour but la réalisation artistique stricto sensu et tous azimuts. Depuis 2006, bon nombre de résidences se sont déroulées dans les divers ateliers, ayant chacune abouti à  des productions inédites, diffusées par autant d'expositions et de publications. Un des projets-phares, déclencheur d'émulations, fut sans doute Match de catch à  Vielsalm initié en 2007, rencontre prolifique entre les artistes de La «S» Grand Atelier et les bédéistes contemporains des éditions Frémok basées à  Bruxelles comme Dominique Goblet, Olivier Deprez ou Thierry Van Hasselt. Rencontre qui se concrétisa par une exposition éponyme tournant à  travers l'Europe - notamment au Festival international de la Bande dessinée d'Angoulême en 2010 - et une publication à  succès publiée par les éditions Frémok.

Après quelques années de pratiques de «contamination», il est apparu nécessaire de faire le point sur les conséquences concrètes de ces actions, tant sur le plan humain qu'artistique. La directrice de La «S» Grand Atelier, Anne-Françoise Rouche, s'est donc associée à  l'un des artistes en résidence, Olivier Deprez, afin de constituer une équipe et de construire un dispositif de réflexions visant à  comprendre les tenants et les aboutissants de ces pratiques non encore étiquetées. Grand Slam Champion - une expression issue du vocabulaire de catch, clin d'oeil au projet Match de catch à  Vielsalm - est la concrétisation de ces réflexions, un colloque hors normes, deux journées sur ces échanges réciproques entre artistes de mondes au départ différents et a priori peu perméables. Ces pratiques de «contamination» entre artistes handicapés et non handicapés sont une forme d'art qui puise sa force dans la sensibilité, la réflexion et le style de chacune des parties qui se croisent. Aussi dans la capacité d'accueillir des nouvelles impulsions sans dénaturer l'identité artistique de chacun - comme cela a pu se faire à  de rares occasions au cours de l'histoire de l'art moderne, songez aux cadavres exquis des Surréalistes ou aux peintures à  quatre mains de Cobra. Ces deux journées proposeront un débat sur les façons de faire expérimentées à  La «S» et serviront de levier pour une recherche plus globale dans le champ des représentations sociales liées au handicap. L'on y interrogera la réception de ces créations hybrides dans le milieu de l'art tant au niveau de ses institutions qu'à  celui de ses publics. L'on tentera de comprendre et de décrire les processus de «contamination» et leurs impacts auprès des artistes handicapés et non handicapés, outsiders ET contemporains, les sauts se faisant sans filet et les voyages dans les deux sens. D'autres questions serviront de fil rouge à  ce colloque : quelle est la reconnaissance de l'artiste en situation de handicap ? Quelles formes d'influences exercent-elles dans la représentation sociale du handicap ? Ce colloque polymorphe se veut également une nouvelle plateforme sur les pratiques outsider, mixtes et de toute façon contemporaines puisqu'il s'agit ici d'art à  part entière, au-delà  des divers ghettos artistiques qui n'ont pas leur place à  La «S» Grand Atelier. Viendront prendre la parole à  ce colloque des plasticiens (Messieurs Delmotte), des sociologues (Bruno Pequignot), des commissaires d'expositions (Gustavo Giacosa), des essayistes (Jan Baetens), des bédéistes (Olivier Deprez, Thierry Van Hasselt), des éditeurs (François De Coninck), des chercheurs en art (Erwin Dejasse, Gilles Rion, Teresa Maranzano), des musiciens (Barnabé Mons), des psychologues et des psychiatres (Anne Brun, Stephan Eliez, Véronique Simar), des artistes-animateurs d'ateliers, des écrivains, des pédagogues, des amateurs de catch. Grand Slam Champion est aussi une série d'expositions et de concerts qui viendront préciser encore les idées exposées : Après la mort, après la vie, les gravures d'Adolpho Avril et d'Olivier Deprez, A plates coutures, la résidence textile - avec des artistes comme Aurélie William-Levaux, Moolinex, Claire Duval ou Elise Sironval - animée par Florence Monfort, Ponts suspendus, la performance dansée de Gustavo Giacosa, Giovanni Di Cicco et Francesca Zaccaria mais aussi les concerts des Choolers et de Sheetah & Lee Weissmà¼ller - groupes mêlant musiciens handicapés et non handicapés. Car Grand Slam Champion est un terrain de réflexions qui n'oublie pas ce pourquoi il a vu le jour : la création en images et en musique grâce à  des artistes venus de mondes qui se rencontrent enfin. En toute liberté créatrice, et en toute conscience du juste but à  atteindre : celui de l'art en tant que tel.

* Pour savoir de quoi l'on parle : l'Art Brut renvoie aux théories de Jean Dubuffet dans lesquelles l'artiste est un asocial vierge de toute influence artistique extérieure. L'Art Différencié est celui pratiqué en ateliers par des handicapés mentaux accompagnés par des animateurs-artistes. L'Outsider Art, autrefois synonyme d'Art Brut, intègre tout ce qui est «en marge» et n'appartient pas à  l'art «contemporain». Il faut dépasser aujourd'hui ces catégories, souvent périmées, un artiste handicapé étant aussi un artiste contemporain, qui plus est l'Art Différencié n'est pas un «style» aux critères définis comme le Pop Art, le Land Art ou l'Art conceptuel.

François Liénard.