Sarah Albert intègre La 'S' Grand Atelier en 2016 pour y pratiquer le dessin, la peinture, la gravure, et la création textile, alors qu'elle a vingt ans à peine. Venant de Paris, où elle a grandi et a suivi des cours d'arts plastiques dans un établissement d'enseignement spécialisé, elle présente, dès son arrivée à La 'S', un grand talent dans l'art de la représentation figurée (tout à la fois détaillée et suggestive), et qui plus est, dans l'art de réaliser des images dotées, sans qu'elle s'y contraigne, d'un véritable capital narratif. Son trait à main levée est aérien et traduit une grande assurance à placer des sujets (parfois observés sur le vif dans l'atelier) dans des mises en espace audacieuses où les parcelles d'images s'enchaînent librement pour évoquer des moments de vie que seul le dessin peut repenser. Les images dessinées par Sarah Albert, aux motifs stylisés et aux raccourcis graphiques étonnants, invitent à des lectures guidées par la vie de ses comparses devenus soudainement, grâce à ses atours graphiques, fiction. L'artiste traduit des parcelles de la vie intime de ceux-ci en retranscrivant la singularité d'un air ou d'une expression qui leur serait propre. Et la lecture se voit guidée par la découverte de ces singularités.
Aussi, la féminité qui traverse les épisodes dessinés par Sarah Albert est toujours conjuguée à la première personne du singulier. Ses planches sont autant de scénarios quotidiens traduisant ses préoccupations intimes en tant que jeune fille, son espace personnel à conquérir dans des lieux collectifs, et son désir de s'affranchir des obstacles journaliers. On croirait que rien n'y est laissé au hasard tant ses lignes sont claires et assurément posées. Si elle reproduit avec une extrême précision les scènes qu'elle raconte, c'est toujours en y laissant de vastes espaces vacant où l'imaginaire peut prendre l'air. Car elle y déploie une science de la mise en place d'espaces dégagés répondant aux espaces graphiquement animés sur la page. Au coeur de ces micro feuilletons dessinés, figure également une galerie de portraits de ses pairs qui se complète tous les jours. Raconter des histoires est un art de la série, et Sarah Albert sait créer des canons, tout en y glissant des signes de distinction qui dénombrent les sujets dans leur singularité.
(Annabelle Dupret)