Joseph Lambert écrit des choses au kilomètre, des signes qui se répondent dans le geste de leur genèse et qui forment des générations colorées. Des signes qui s'accrochent les uns aux autres pour former une phrase visuelle - nous sommes dans le domaine du signifiant comme l'on disait au siècle dernier -, phrase qui forme une strate, une couche géologique dans la glaise du texte. Comme si le paysage s'arpentait tout en s'enroulant, en son tortillon. Comme si ces plages de mots inédits mesuraient le temps en son sable émietté. Texte, texture, textile, tricot de mots, car ce temps il faut bien le passer, et chaudement vêtu encore, pour échapper aux froidures du vide. Joseph Lambert écrit mais pratique également, et avec les mêmes procédés, la sculpture sur bois - ou plutôt la sculpture avec du bois. Morceaux de planches, de lambris, de lattes, morceaux avec lesquels il recouvre des structures grâce à des clous à foison - il n'est pas avare en la matière. Il en fait des guéridons, des mange-debout, des banquettes, un bar, tout un mobilier clouté, puzzle de bois, menuiserie conçue sans plans sur la comète. Joseph Lambert met bout à bout, mot à mot, refuse de jeter ce qui peut encore créer. Il caparaçonne de sens une humanité qui pourrait faire naufrage, si elle n'inventait à chaque fois d'autres idées avec les idées dont elle voulait auparavant se débarrasser. Joseph Lambert développerait-il, avec les moyens du bord, une forme artistique, donc vitale, d'écologie ?
François Liénard